Tu as dit "sous-développement de l'Afrique"

Publié le par KING57

 

Quelques questions à André LELO
de Kossi DONGO, un compagnon de recherche d’André.


KD :  Pour toi, le « sous-développement de l’Afrique», c’est quoi ?

AL : Dans la situation concrète actuelle de la plupart des pays africains, c’est une insécurité, une inquiétude permanente, une non-garantie des besoins élémentaires, fondamentaux de l’homme : alimentation –nourriture, en quantité et en qualité-, logement, habillement, soins de santé, transport –moyens de déplacement et de communication, pas nécessairement personnels-, éducation et instruction accessible à tous. J’y ajouterais l’aspect de perte voire de refus, de négation de son identité, de non-maîtrise de sa situation, de son état de vie.


KD :  Et pour toi, quelles seraient les solutions ?

AL :  Face à cette situation de misère et pour un développement équilibré de nos contrées et de nos populations : je sais qu’il y a cet éternel problème de (changement de) mentalités, mais très urgemment, il faut vite re-construire les routes. C’est d’une extrême urgence en vue du désenclavement des milieux pour faciliter les échanges et l’intercommunicabilité à un minimum de rythme moderne. En même temps, on devra travailler à ce fameux changement, ou plutôt équilibre, de mentalités. Les infrastructures routières sont pour moi une des plus grandes priorités. C’est d’expérience que je le dis. Le désenclavement dont je parle est à la fois géographique et socio-culturel. J’entrevois bien le risque, que redoutent certains, d’une dénaturation, d’un envahissement, d’une acculturation, de la loi du moindre effort et de l’argent facile, du goût effréné au matérialisme. D’où le mot « équilibre » : un équilibre qui devra être garanti par l’autorité morale et politico-administrative, malheureusement « très en panne » dans la plupart des cas en Afrique. Elle aussi est à réhabiliter. Vous le savez, le niveau central de cette autorité, l’acteur principal pour un pays, c’est l’Etat. Mais il ne faudrait pas continuer d’attendre la résurrection, le retour de cet Etat ; à la base, il faut commencer ou continuer plus sérieusement à s’organiser, puisqu’il est d’abord question de survivre face à cette situation de crise chronique. Je n’oublie pas les autres domaines : éducation – formation – instruction, mais pour l’urgence, il faut prioriser les projets et les actions. Et à propos de l’éducation, si on ne peut déjà revenir à un enseignement obligatoire, il faudrait au moins instituer l’alphabétisation. Refaire rapidement un programme d’enseignement ouvert à l’universel mais aussi et surtout adapté au besoin. Encadrer, orienter et encourager –au lieur de décourager- les bonnes initiatives privées et communautaires.

KD
 :  Que penses-tu du phénomène d’exode, de la fuite de cerveaux  africains, du non-retour des africains formés en Occident ?

AL
 :  Nous sommes devant la réalité : ils fuient leurs villages, leurs pays, ils partent au loin, à l’étranger –Afrique ou plus loin-, leur retour au pays  n’est plus au programme. Tout simplement, parce qu’ils trouvent que c’est de loin mieux ailleurs que chez eux, en dépit du déracinement et de la nostalgie ! Le contact est resté avec leurs proches, pour la plupart ; ils sont même devenus les grands bienfaiteurs de leurs membres de famille restés au pays. Vous connaissez le rapport annuel de transfert d’argent du Nord vers le Sud ! Les migrations des personnes et des peuples existent depuis les origines, mais cet exode, cette émigration qui crée actuellement des grands vides voire de disparitions de nombreux villages africains, c’est très inquiétant et c’est un appauvrissement culturel. Qui a dit que la vie était une lutte ? Eh bien, ils ont raison de lutter pour sur-vivre, parce qu’ils refusent de disparaître injustement au bénéfice des plus forts.

KD :  André, c’est depuis longtemps que l’Afrique, je veux dire vos pays, sont assistés par des gouvernements, des organismes d’aide, d’assistance, d’appui au développement. Mais curieusement, on dirait que ça ne bouge pas !

AL  :  Si, ça bouge, à pas de canard et malheureusement pas toujours de manière harmonieuse. La conception, les méthodes de mise en place et d’exécution de cette « aide », càd les règles du jeu, ne sont peut-être pas bien comprises ou bien appliquées, consciemment ou de façon maladroite, par les uns comme par les autres, « donateurs » et « bénéficiaires ». J’y entrevois aussi un possible complexe de supériorité et d’infériorité. Là-dessus, il y aurait beaucoup à dire. Nous apporter continuellement du pain et du poisson parce que nous aurions faim, ça peut paraître juste ; nous apprendre, ou mieux, nous encourager -et ne pas nous décourager- à nous procurer nous-mêmes suffisamment du bon pain et du bon poisson, c’est plutôt ce genre de projets et programmes que nous devons sincèrement développer et promouvoir. Je me suis parfois demandé s’il n’y a pas dans les deux camps, « donateurs » et « bénéficiaires », des gens, ou des systèmes –très influents- qui se plairaient, qui auraient tout intérêt à perpétuer ce cercle vicieux de cette prétendue « aide », une aide devenue tellement intéressante que ni les uns ni les autres ne pourraient plus s’en passer. Quand nous n’aurons plus besoin de cette « aide », sous sa traditionnelle formule, nous aurons alors démarré, l’Afrique pourra alors repartir, un autre mot devra alors remplacer : p.ex. celui de « partenariat ». Je pourrais même risquer de le dire à l’inverse : nous démarrerons, l’Afrique redémarrera en laissant de côté cette « aide ».

KD  :  Tu rejoins là « L’aide fatale » de Dambisa Moyo !

AL  :  Oui, mais sans être radicalement enfermé sur moi, mais plutôt en restant ouvert et attentif aux apports obligés des vrais partenaires, d’où qu’ils viennent, apports qui ne devront plus être de l’ordre de cette fameuse traditionnelle aide, souvent essentiellement financière, drôlement conditionnée et piégée.

KD  :  Merci, André. Nous pourrons y revenir.

AL  :  Le débat et la réflexion restent ouverts, mais ne perdons pas et ne faisons pas perdre le peu de temps qui nous est donné, un peuple et une culture sont en train de mourir !

 

 

Publié dans Réflexions

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L
<br /> <br /> Salut André.<br /> <br /> <br /> J'espère que tu as pu voir ce bon reportage qui rejoint tes idées.<br /> Courage dans tes recherches et à bientôt !<br /> Amicalement, Lea <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> La Mondialisation en 10 questions ? (1/2) <br /> Vues: 28 depuis le : 03/08/2010<br /> Résumé : La Mondialisation est un concept un peu opaque. Opaque mais important, car par essence il concerne le Monde. Mondialisation de l’économique, Mondialisation de<br /> la culture, Mondialisation de la Politique, Mondialisation de la Justice… au profit ou au détrim<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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